Notre tribune dans Le Monde : Noël Le Graët, ça suffit !

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« Celui qui minimise ouvertement le racisme, le sexisme et la “LGBTIphobie” ne peut prétendre rester le “patron” du foot français. »

Tribune. Chacune de ces phrases a été prononcée par Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF), c’est-à-dire dirigeant de la fédération sportive la plus importante à l’échelle de notre pays et l’une des plus importantes en Europe. Le 10 septembre 2019, à propos de l’arrêt de plusieurs matchs de football de L1 et de L2 à la suite de cris et chants homophobes : « Je n’arrêterai pas les matchs, je suis contre totalement. (…) Je ne veux pas être pris en otage de l’homophobie. »

Le 15 septembre 2020, après des soupçons d’insultes racistes lors du match de football PSG-OM : « Le phénomène raciste dans le sport, et dans le football en particulier, n’existe pas ou peu ». Le 3 mars 2021, au sujet de tensions au sein de l’équipe nationale de football féminin : « Elles n’ont aucun match perdu. Donc elles peuvent se tirer les cheveux, ça m’est égal. »

Ces phrases sont malheureusement symptomatiques de la légèreté avec laquelle Noël Le Graët a traité durant son mandat les questions de racisme, de sexisme et de LGBTIphobie [la stigmatisation à l’encontre des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes]. Des questions qui, d’ailleurs, n’ont fait l’objet d’aucun plan ni d’aucune action d’ampleur visant à les combattre au cours de ses trois derniers mandats.

Cynisme

On peut aussi pointer le manque de considération de la FFF et de Noël Le Graët pour le football féminin, comme l’attestent de façon criante les différences de moyens qui lui sont alloués par rapport au football masculin, ou encore le faible nombre de femmes licenciées, à trois ans de Jeux olympiques qui, à Paris, se veulent exemplaires en matière de parité et d’inclusion. Mais comment M. Le Graët pourrait-il mettre une parcelle de son énergie à combattre des phénomènes qu’il nie ou minore ?

On pourrait se dire que, fort heureusement, le mandat de Noël Le Graët touche à sa fin. En effet, ce samedi 13 mars, l’assemblée fédérale de la FFF élira la prochaine équipe qui dirigera la fédération. Problème : l’équipe favorite est celle constituée par… Noël Le Graët, qui est donc quasiment certain de rester à la présidence de la fédération !

Ainsi, en 2021, en France, au sein d’une fédération bénéficiant d’une délégation de service public, tenir des propos intolérables et minimiser des phénomènes de haine ne sont pas des actions suffisamment disqualifiantes pour qu’elles barrent la route à une candidature à la présidence. Pire, de telles actions ne sont même pas suffisamment disqualifiantes pour empêcher celui ou celle qui en aurait été l’auteur ou l’autrice, de pouvoir espérer remporter l’élection par ses pairs.

Notre alerte changera-t-elle quelque chose au résultat du vote de l’assemblée fédérale de samedi ? Vraisemblablement, non. Et pour cause : ce que nous dénonçons est connu de toutes les personnes qui participeront à ce vote, et le niveau de cynisme qui aboutit à une situation aussi affligeante ne changera pas fondamentalement par la grâce des réflexions d’une nuit. Mais nous ne pouvons faire comme s’il n’y avait pas d’affaire et laisser les personnes voter dans le confort d’une bonne conscience qui ne devrait pas être.

Un mauvais signal

Nous tenons à dire et à affirmer qu’une nouvelle présidence de Noël Le Graët serait un très mauvais signal pour notre pays et pour sa fédération qui ne peuvent pas continuer à maintenir dans des fonctions exécutives des personnages dont les valeurs sont si éloignées de celles de la République mais aussi du milieu au sein duquel ils exercent des responsabilités.

Nous tenons à dire et à affirmer que la puissance publique ne peut pas détourner son regard devant une telle situation, contraire d’ailleurs à l’image d’un pays qui a organisé les Gays Games en 2018, s’est enorgueilli de la victoire de son équipe de football masculin à la Coupe du monde cette même année, et a organisé la Coupe du monde de football féminin l’année suivante.

Nous tenons à rappeler et à affirmer que nous sommes en 2021 et que, demain, un personnage qui minimise ouvertement et de façon répétée le racisme, le sexisme et la LGBTIphobie ne peut prétendre rester le « patron » du sport le plus populaire de notre pays et en particulier chez les jeunes.

Liste des signataires : Saphia Aït Ouarabi, vice-présidente de SOS Racisme ; Eric Arassus, président de la Fédération sportive gaie et lesbienne (FSGL) ; Hermann Ebongue, président de Sportitude France ; Laurie Fradin, présidente de Paris Arc-en-ciel ; Lucile Jomat, porte-parole de SOS Homophobie ; Agnès Koduah, secrétaire générale de Sportitude France ; Bertrand Lambert, président des PanamBoyz & Girlz ; Yoann Lemaire, président de Foot ensemble ; David Malazoue, président de SOS Homophobie ; Dominique Sopo, président de SOS Racisme.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/12/celui-qui-minimise-ouvertement-le-racisme-le-sexisme-et-la-lgbtiphobie-ne-peut-pretendre-rester-le-patron-du-foot-francais_6072926_3232.html?fbclid=IwAR2CXtpx6HDzbs6Yssj_c3aX97VP00jgHjC6W-pMVIucKM0qS7ArffyeFnA